Victime d’un accident du travail ayant entraîné un stress post-traumatique, j’ai dû confronter durant des jours, des semaines, des mois, et des années, la solitude et l’enfermement. Mes capacités physiques diminuaient lorsque mon esprit, quant à lui, se nourrissait de l’ennui. L’ennui a sans doute été une impression fondamentale dans mon cheminement artistique.
Toute ma vie, j’ai travaillé dans des métiers considérés comme « physiques » et « difficiles », des métiers qui, la journée achevée, ne me laissaient pas le loisir de penser. A la suite de cette accident, j’ai découvert le plaisir de penser, d’abord timidement, puis progressivement, avant que m’assaille finalement une véritable tempête d’interrogations. Pour le meilleur ou pour le pire, cette tempête a pris possession de mon esprit, mais aussi possession de mon cœur qui n’avait dès lors plus la possibilité de battre à intervalle normal et régulier.
Il fallait que j’extériorise ma pensée et mes sentiments ainsi que le flot d’émotions qui se jouaient en moi, ou peut-être, de moi. La charge devenait trop lourde à porter. C’est ainsi que mes doigts saisirent pour la première fois un pinceau. En effet, j’ai trouvé dans la peinture le moyen de projeter les démons qui hantaient mon âme, en extériorisant mes pensées difformes sur la toile blanche. J’offre la toile en sacrifice à mes interrogations, afin de leur donner un rôle , de les faire naître au monde en leur trouvant un nouvel asile.
Ce qui m’obsède tout particulièrement, c’est le geste créateur. Comment se fait-il que je produise une œuvre ou une autre ? Une œuvre plutôt que rien ? Quelle est la place de l’intention de l’artiste ? Parfois, j’ai l’impression qu’elle n’existe pas, que la créativité me mord et me lacère, qu’elle arrache de mon cœur les passions qui s’emballent afin de les libérer, par leur expression sur la toile blanche.
Parfois, et même souvent, il m’arrive de ressentir des émotions extrêmement fortes et de les purger sur la toile d’un geste frénétique. Ma peinture est une peinture de l’expression des passions les plus vivaces ne répondant qu’aux pulsions les plus féroces, une peinture à la fois pathologique et thérapeutique.
